Une Touche d'Optimisme

Mon enfant

J't'ai dans la tête mais pas dans l'ventre,

J'te dessinerai pas un mouton,

J'te f'rai pas une place dans mon antre

Ni dans cette époque en carton.

Ta mère et moi, on n's'ra jamais

Du même bois que ceux qui enfantent,

Je t'aime déjà, mais y’a un mais,

J'crois plus trop aux lend'mains qui chantent.

Y'en a trop des bébés jolis,

Pas besoin d'y mettre mon grain d'sel,

Notre maison manque de lits,

Pourtant, ça naît en ribambelle.

D'aucuns pourraient bien m'en vouloir

De ne pas épouser l'instinct

Qui devrait m'pousser à t'avoir,

Même si l'av'nir est incertain.

C'est pas qu'on pourrait pas t'aimer

À t'en faire bégayer le cœur,

Nous sommes des parents avortés

Par des brochettes de malheurs,

Celles qu'on voit pas à la télé

En plus de celles dont on nous fade,

La boule à facettes est fêlée,

L’espoir est parti en balade...

Dis mon enfant, il faut que j’te l'dise,

Notre rendez-vous, j'passe à côté,

J'ai pas la place dans mes valises,

J'suis désolé...

Je suis une femme de parole,

J'fais pas de promesses intenables,

J'te noierai pas de paraboles,

Je n'te tartin'rai pas de fables.

J'aurais voulu pouvoir te dire

Que la planète, à bras ouverts,

Est prête à tout pour t'accueillir

Sur l'un de ses deux hémisphères.

Que ton sourire ferait grand bien

À ceux-là qui, les tempes grises,

Auront noirci notre destin,

À profiter d'un monde en crise.

T'aurais eu des parents géniaux,

Du moins, on aurait tout fait pour,

T'aurais p't-être chassé les corbeaux

D'un coup de pied, d'un coup d'amour.

T'aurais sans doute fini déçu,

D'donner du caviar aux cochons,

T'aurais fini, comme nous, fourbu

De voir se ternir l'horizon.

Même si certaines lueurs persistent,

Le bien s'est rendu face au mal,

L'a fait son dernier tour de piste,

Et puis l'espoir s'est fait la malle...

Dis mon enfant, il faut que j’te l'dise,

Notre rendez-vous, j'passe à côté,

J'ai pas la place dans mes valises,

J'suis désolé...

Issue de l'album

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